Résilience Organisationnelle Mise à jour du site juillet 2025

Cahier n° 5

Numéro 5 – Sécurité, Défense, Résilience

Numéro 5 – Sécurité, Défense, Résilience - Résilience Organisationnelle

Sommaire

 

Titre

Auteurs

Page

Centre opérationnel et résilience

Dominique Delort

19

Après l’Ukraine : le retour du terrorisme majeur

Etienne Copel

31

La résilience organisationnelle, la participation de la gendarmerie à l’évolution du dispositif de sécurité de l’Assemblée nationale. Une collaboration fructueuse avec une administration civile

Philippe Gerbault

 

39

Partie 1 - La prévention et la maîtrise des risques en opération ou l’art de revenir aux fondamentaux

Partie 2 - L’adhésion au concept de résilience, facteur de succès à bord des bâtiments de combat de la marine nationale

Stéphanie Guénot Bresson

 

51

Apport du camouflage et de la protection passive dans la résilience des sites sensibles militaires stratégiques. Aperçu historique.

Max Moulin & Olivier Leloué

67

D’un Système d’Information résilient à un Système d’Information anti-fragile ? Illustrations à partir des organisations militaires

Cécile Godé, Jean-Fabrice Lebraty & Pierre Barbaroux

83

État islamique : Un exemple remarquable d’organisation résiliente

Patrick Boisselier

97

Une approche de la résilience organisationnelle : la chaire Résilience et Leadership

Nicolas Alfano & Denis Lemaître

117

La résilience : effet de mode ou vrai sujet ?

Xavier Guilhou

125

La doctrine sur la résilience des armées

Victor Bernaud

135

Renseignement et résilience : anticipation et réduction des incertitudes

Alain Meininger

145

Management et Résilience, la méthode « PHSM »

Jean Claude Guion de Meritens

157


 

Éditorial

La rédaction de ce cahier, axé sur le domaine de la sécurité, de la défense et de la résilience, a été le fruit d'une démarche réfléchie et d'une préparation minutieuse. Notre ambition était de prendre de la hauteur et d'aborder des questions cruciales telles que la sécurité des institutions, l'exploitation d'un centre opérationnel, la résilience des bâtiments de combat, l'art du camouflage, le renseignement et le leadership au sein des armées. Ces sujets, essentiels à la préservation de la sécurité nationale, ont été au cœur de nos réflexions tout au long de la préparation de ce numéro. Nous avons reçu un grand nombre de propositions d'articles, chacune apportant une perspective unique sur notre thème central, ce qui a nécessité un processus de sélection rigoureux pour maintenir la cohérence de notre sujet : « Sécurité, Défense, Résilience ».

L'origine de ce numéro remonte au Haut Comité Français de la Défense Civile (HCFDC), désormais rebaptisé Haut Comité Français de la Résilience Nationale. J’ai été membre du comité des experts au sein de cette association. C'est au cours de réunions dont l'objectif était de rédiger le Livre Blanc de la Résilience Nationale que j'ai eu l'opportunité de croiser et de collaborer avec Max Moulin, capitaine de vaisseau (H), ancien officier de Marine. Notre collaboration a donné naissance à de nombreuses publications professionnelles et scientifiques, ainsi qu'à un ouvrage collectif approfondissant le concept d'erreurs humaines. Face à cette expérience et à son expertise, j'ai sollicité Max Moulin pour assumer le rôle de rédacteur en chef invité de ce numéro. C'est grâce à son dévouement et à ses multiples échanges fructueux avec les auteurs que ce cahier a pu voir le jour. Dès lors, en partenariat avec Max Moulin, nous avons poursuivi nos réflexions dans le domaine de la résilience appliquée au secteur des armées.

Le CIRERO a établi un partenariat stratégique avec le ministère des Armées[1] dans le cadre de l'événement « La Fabrique Défense », un forum dédié à la sécurité et à la défense des pays européens. À cette occasion, l'association CIRERO, accompagnée de certains de ses membres, a tenu un stand pour partager ses connaissances et son expertise en matière de résilience des organisations.

Le concept de résilience, bien qu'ancien, est devenu d'une importance capitale dans le domaine militaire, donnant naissance à un champ de réflexion approfondi, communément appelé « résilience nationale ». Les membres de CIRERO ont déjà publié plusieurs travaux de recherche sur la résilience appliquée aux organisations. Les précédents numéros des Cahiers Risques et Résilience ont abordé une variété de sujets, allant de la résilience multifacette dans le premier cahier à la compréhension de l'interface entre risques et résilience dans le second numéro. Le troisième cahier s'est concentré sur le retour d'expérience de la crise du coronavirus et son impact sur la résilience des organisations, tandis que le quatrième numéro, publié récemment, a introduit la notion de norme et de référentiel dans le champ de la réflexion sur la résilience organisationnelle. Avec ce numéro, nous abordons la résilience nationale, un sujet d'une importance capitale pour la sécurité de notre nation.

Notre conception de la résilience envisage un ensemble de systèmes, chacun composé de plusieurs éléments. Le « microsystème », constitué d'individus, est au cœur de notre réflexion. Des auteurs tels que Boris Cyrulnik, Serge Tisseron et Jacques Lecomte ont déjà exploré la résilience à l'échelle individuelle, collective et familiale. Au fil des années, nous avons également publié de nombreux ouvrages sur la résilience du « mésosystème », englobant tant les petites et moyennes entreprises que les grandes, ainsi que les collectivités territoriales ou encore les grandes associations. Avec ce numéro des Cahiers Risques et Résilience, notre intention est d'approfondir notre réflexion en abordant le « macrosystème », c'est-à-dire les pays et les nations, et en explorant le développement de la résilience nationale.

La réalisation de ce cahier a exigé une organisation importante. Notre objectif était de solliciter la contribution aussi bien d’officiers supérieurs que d’officiers intermédiaires, ainsi que des universitaires spécialisés dans la résilience des armées et des pays. Enfin, nous avons jugé essentiel de faire intervenir des experts en prospective géostratégique et en géopolitique pour apporter une perspective internationale. Nous tenons à exprimer notre gratitude envers l'ensemble des auteurs qui ont contribué à rendre ce numéro exceptionnel par son contenu riche et varié. Nous vous souhaitons une excellente lecture, et nous espérons que ces réflexions approfondies sur la sécurité, la défense et la résilience vous apporteront des éclairages précieux dans ce domaine crucial pour notre nation, contribuant ainsi à renforcer notre engagement envers la protection de notre sécurité nationale.

Gilles Teneau, rédacteur en chef des Cahiers Risques et Résilience (C2R), président fondateur de CIRERO (Centre d’Ingénierie et de Recherche en Résilience des Organisations). Professeur affilié au laboratoire Sécurité Défense (ESDR3C) au Cnam Paris



[1] La dénomination du ministère de la Défense ayant été remplacée par celle de ministère des Armées depuis 2017, la rédaction de la revue a retenu cette dénomination pour faciliter la compréhension des articles faisant référence historique à cet organisme.

Rédacteur en chef invité Max Moulin

Le présent numéro de la revue C2R a pour objectif de présenter des travaux de chercheurs, mais aussi des témoignages de retour d’expériences de praticiens de terrain, civils et militaires, ayant eu à gérer, au cours de leurs activités professionnelles, des situations de crise, dont certaines dites « hors cadre ». Leur perception concrète du concept de résilience était donc intéressante à recueillir. 

L’actualité nous montre en effet que les sociétés technologiquement avancées, si elles ont amélioré l’efficacité productive des organisations qu’elles ont mise en place, ont aussi accru considérablement leur vulnérabilité aux « grains de sable » perturbateurs imprévus, voire imprédictibles. Syndrome du « Cygne noir » et illustration de la célèbre formulation de Paul Valery à l’issue de la Grande Guerre : « Nous autres, civilisations, nous savons désormais que nous sommes mortelles ».

Le premier article est rédigé par Dominique Delort, General de Corps d’Armée (2S), ESGN, IHEDN. Après une longue expérience de gestions des crises sur le terrain en OPEX (FINUL Liban, Rwanda ...). Le général Delort témoigne de son retour d’expérience au vu des crises qu’il a eu à gérer comme chef du Centre Opérationnel Interarmées (COIA) et conseiller direct du Gouvernement de 1997 à 2000. Le COIA devenu Centre de Planification et de conduite des Opérations (CPCO) agit comme « cellule de résilience » activée en permanence h-24. Ce centre a autorité sur les forces armées. Il est chargé de réagir en temps réel aux crises extérieures en présentant au pouvoir politique le choix des différentes options documentées et argumentées en termes de moyens requis et de conséquences (avantages/inconvénients) possibles en fonction de l’objectif politique et géostratégique recherché.

Le général de brigade aérienne (2S) Etienne Copel reprend, en les actualisant au vu de la guerre en Ukraine, les recommandations qu’il formule depuis plus de trois décennies dans le cadre du HCFDC/HCFRN pour prévenir les agressions hostiles de types malveillantes, terroristes, voire militaires, sur les installations industrielles à très haut risques potentiels (centrales nucléaires, barrages hydro-électriques, industrie chimique …)  et réduire les risques de catastrophes. Parmi les mesures proposées, il préconise la réactivation du Service militaire obligatoire qui permet de disposer en permanence de personnels de protection et d’intervention immédiatement utilisables.

Philippe Gerbault, général de brigade (2S) témoigne de son retour d’expérience comme commandant militaire du Palais Bourbon. Il était chargé de la protection de l’Assemblée nationale, dans une période de montée de la menace terroriste et de la violence dans un climat sociétal parfois tendu. Sa formation initiale dans les troupes aéroportées lui a permis d’adapter aux circonstances la méthode MRT (Méthode de Raisonnement Tactique) familière aux combattants de terrain.

La capitaine de vaisseau Stéphanie Guenot Bresson, en fonction à l’État-major de la Marine, présente dans une première partie la doctrine de maîtrise des risques dans le cadre d’opérations extérieures interarmées (OPEX) dans un environnement qui peut être rapidement évolutif sinon hostile. La méthode PRiSM (Prise de Risques Mesurés) mise en œuvre par les Armées lors de la crise sanitaire de 2020 a démontré son efficacité en étant adaptée aux OPEX.

Dans une seconde partie, l’auteure présente la doctrine de maîtrise des risques à bord des navires de la marine nationale. Cette maîtrise repose sur la formation, l'entraînement l'esprit d’équipe et la force morale des équipages qui mettent en œuvre les navires dans des conditions pouvant être extrêmes et sans secours extérieur possible.

Max Moulin, Capitaine de vaisseau (H) et Olivier Leloué, architecte, en fonction au Centre d’expertise du Service d’infrastructures de la Défense, expert en protection passive et camouflage décrivent la démarche qui a été mise en œuvre pour assurer la résilience des sites sensibles militaires à vocation stratégique. L’objectif est d’adapter leur système de protection passive à l'évolution des menaces. Parmi les mesures passives, le camouflage pratiqué lors des deux guerres mondiales, mais jugé obsolète face aux moyens de détection des grandes puissances, a retrouvé toute sa pertinence face aux nouvelles menaces asymétriques terroristes comme aux attaques militaires réapparues avec la guerre en Ukraine.

Cécile Godé et Jean-Fabrice Lebraty, tous deux professeurs universitaires et Pierre Barbaroux, Enseignant-chercheur (HDR), présentent les résultats de leurs travaux dans le domaine de la résilience des systèmes d’information avec la conception de systèmes dits anti-fragiles. L’anti-fragilité, répondant à un besoin militaire initial, est désormais un critère d’importance vitale. Comme le montre l’actualité.

Patrick Boisselier, Professeur universitaire au CNAM Paris, analyse dans une approche systémique pluridisciplinaire les facteurs de résilience organisationnelle de l’État Islamique (EI) en Irak et au Levant après avoir été neutralisé militairement par les forces armées de la Communauté internationale. Il propose dans un premier temps de réfléchir aux fondements idéologiques et politiques de l’état islamique et dans un second temps l’auteur analyse la capacité de l’EI à faire face aux turbulences et son aptitude à continuer à exister en font un modèle de résilience organisationnelle. Enfin, pour le chercheur Boisselier, les causes fondamentales sont la démographie et le changement climatique qui constitue l’essence même de la résilience de l’EI.

Xavier Guilhou, capitaine de vaisseau (H) expose la problématique de la gestion des crises hors cadre auxquelles les militaires et plus particulièrement les marins, sont par nature et expérience de terrain, sans doute mieux préparés que les administrations et structures civiles dans les sociétés occidentales. L’auteur nous dit qu’il ne faut pas confondre résilience et continuité d’activité et qu’il faut accepter l’incertitude et dominer nos peurs.

Nicolas Alfano, professeur et chercheur à l’École navale et Denis Lemaître, codirecteur de la chaire leadership et résilience présentent leur philosophie dans l’étude de la résilience et l’enseignement scientifique dispensé aux élèves officiers de l’École navale. Ils s’appuient sur l’exemple concret des Sapeurs-pompiers, la sécurité incendie étant à bord des navires une nécessité permanente vitale.

Victor Bernaud, en fonction au Centre des Interarmées du CICDE (Concepts, Doctrines et Expérimentations) présente le document de doctrines interarmées relatif à la résilience dont il a dirigé l’élaboration en application du concept mentionné dans le LBDSN 2008.

Alain Meininger, administrateur civil hors classe, spécialiste des questions internationales et de prospective géostratégique ayant exercé au ministère des Armées porte témoignage sur son retour d’expérience au sein de la communauté du renseignement et de sa perception du rôle de l’anticipation et de la réduction des incertitudes comme facteurs de résilience nationale. Bien que le rapprochement entre le concept de résilience et l’activité de renseignement peut paraître étrange. L’auteur montre comment ce concept, issu des sciences physiques, en se transformant en une capacité à surmonter les traumatismes, trouve aussi une forme de pertinence en lien avec l’activité « renseignementale ».

Jean Claude Guion de Meritens, ingénieur-conseil à l’international, ancien pilote de chasse dans l’Armée de l’Air, présente sa conception d’une nouvelle méthode dite PHSM (Production, Humain, Structure, Méthode) qu’il a eu l’occasion de mettre en pratique avec succès lors de la conception et de la construction de nouvelles usines, puis dans le cadre de l’amélioration de l’activité de plusieurs entreprises allant de la PME au grand groupe industriel et comment cette méthode peut contribuer à la résilience des organisations.