Colloque Ascencia
La résilience dans tous ses états
Préciser les contours de la résilience présente un nouveau un défi pour les chercheurs souhaitant la mobiliser dans leurs disciplines. L’intégration de la résilience dans différents domaines permet de nourrir le débat et d’étendre ce concept vers de nouvelles frontières (Cyrulnik, 2014 ; Grané & Forés, 2019 ; Puig & Rubio, 2011 ; Ungar, 2018; Vanistendael, 2014, 2015). Aujourd’hui, la résilience touche les sciences humaines et sociales ainsi que les sciences de gestion dans toute leur diversité (e.g. systèmes d’information, entrepreneuriat, marketing, RH, finance, management des organisations, stratégie, innovation, finance, comportement du consommateur, etc…). On peut dire que la résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères (Fondation pour l’Enfance, 2001, p.17). Des apprentissages internes et externes amènent l’être humain ou l'organisation à s’adapter à une nouvelle réalité. Cependant, une cicatrice est toujours présente ; elle fait partie de cette nouvelle vie (Vanistendael, 2015). Mais elle ne s’arrête pas à cette seule définition…
Car l’ensemble des questionnements autour de la résilience en sciences humaines, sociales, et de gestion font émerger plusieurs approches intéressantes.
- La première est pratique. Face à un contexte de plus en plus incertain, la problématique de la résilience se pose aux différents acteurs. Comment cette résilience s’exprime-t-elle ? Peut-on mettre en évidence des invariants ou encore des trajectoires d’évolution ?
- La deuxième est méthodologique. Quelles approches sont pertinentes pour saisir toute la complexité de la résilience ? La troisième est scientifique et tient dans l’obligation du questionnement du chercheur. La circonscription de ce phénomène dans sa totalité est-elle possible ?
Cet appel à communication interroge l’ensemble des chercheurs sur leur vision de la résilience au regard de leur propre champ disciplinaire, qui est très vaste.
Dans quelle mesure l’ampleur de la crise que nous venons de traverser a-t-elle conduit à des changements parfois profonds dans les pratiques de gestion ? Faisons-nous face à des changements transitoires ou bien à des changements pérennes au profit de pratiques plus efficientes (Teneau, 2018; Teneau & Koninck, 2010) ? Ces changements ont-ils vocation à modifier les organisations ou bien les individus ? D’un point de vue méthodologique, quelles approches permettent de saisir les différents aspects de la résilience ?
Parmi les interventions les membres de la newsletter étaient présents, à ce titre Nicolas Dufour et Gilles Teneau sont intervenus pour une conférence sur la résilience face aux risques cyber : quels moyens pour la rendre effective ? Cas de recherche-intervention. Puis une seconde communication réalisée par Sophie Agulhon, contribution de la Génération Z à la résilience des organisations. Enfin nous avons participé à une table ronde « La résilience dans tous ses états » avec messieurs Dufour, Teneau, Awata.
Résumé congrès AIRMAP
Les 24, 25 et 26 mai 2023 a eu lieu le 12ème colloque AIRMAP (Association Internationale de Recherche en Management Public) à Dijon ayant pour thématique « Le Management public, crises et post-crises : la permanence dans le changement ? » Plusieurs ateliers thématiques étaient présentés, notamment l’atelier 4 « Management public, développement et résilience des territoires : enjeux, défis et perspectives » et l’atelier 13 « Résilience des organisations, résilience des territoires : quels modes de réponse aux crises contemporaines ».
La résilience devient ainsi une thématique de plus en plus étudiée et notamment sur les territoires devenant plus durables et devant répondre aux différentes pressions des parties prenantes. Plusieurs communications ont pu être présentées, elles sont citées ci-dessous :
- "Les territoires face aux chocs : Quel rôle des dirigeants des collectivités territoriales dans le renforcement des capacités de résilience ? Proposition de conceptualisation." Oriol Gillian, Du Boys Céline et Soldo Edina
- "Sensemaking et économie comportementale, une approche combinée pour analyser la résilience des collectivités territoriales en temps de crise." Delabarre Aude et Alexandre-Bourhis Nathalie
- "Building vs Dwelling during an industrial accident : a spatial perspective." Gisquet Elsa et Duymedjian Raffi
- "D'une crise à l’autre, résilience et apprentissage organisationnel différenciés : le cas du musée des beaux-arts d'Orléans." Tanchoux Philippe, Abrioux Florence et Spieth Grégory
- "Le récit et la pratique théâtrale comme vecteurs de résilience face à la crise écologique : cas d'une communauté littorale." Bernard Louise
- "700 ans d'enchâssement percutés par les grands défis : effondrement ou adaptation ? Le cas de la routine de planification forestière à l'ONF." Bonin Frédéric
- "La performance de la logistique institutionnelle, levier de résilience de l'action publique déconcentrée ?" Le Goff Joan et Kaposztas Flore
- "Comment le NPM fragilise-t-il la construction de la résilience des organisations publiques ?" Masou Roula et Gangloff Florence
- "Déléguer ou ne pas déléguer en situation de crise ? Points de vue de professionnels de santé sur la délégation, pour des équipes résilientes et efficientes." Poitrin Lara, Le Bris Sophie et Martin Dominique
« La résilience est une capacité de faire face aux crises, à des situations de rupture par rapport aux routines, à un risque d’effondrement ou de blocage. L’apprentissage organisationnel est un élément moteur de la résilience (Meyer, 1982). Un territoire résilient doit également faire face à des crises type guerre et sanitaires. La résilience est possible par des actions fédératrices et des petites victoires. L’adaptation relève des prémisses de la résilience. C’est un bricolage adaptatif, des allers-retours façonnés par l’environnement. La dimension individuelle est également importante puisque la résilience est un phénomène de répétition, un certain apprentissage. La première crise permet un effet de mémoire vivante ou par archive. La force de la résilience dépend de la capacité des acteurs » ("D'une crise à l’autre, résilience et apprentissage organisationnel différenciés : le cas du musée des beaux-arts d'Orléans."Tanchoux Philippe, Abrioux Florence et Spieth Grégory).
Bernard Louise s’est intéressée aux projets territoriaux de la Rochelle sur la neutralité carbone, ce qui impacte le mode de vie et un changement culturel. La responsabilité individuelle des individus est importante. Les arts permettraient d’ouvrir de nouvelles manières de voir, d’appréhender, ce qui permettrait à terme de mobiliser les habitants du territoire à travers les interventions publiques (Bergeron) et les nudges (Thaler et Sunstein). L’utilisation de récits (Boje) est également envisageable. L’approche narrative pourrait donc compléter les outils de la résilience des territoires.
Enfin, une étude porte sur le rôle des dirigeants des collectivités territoriales dans les renforcements des capacités dynamiques de résilience territoriale. Les Hauts Managers Publics doivent anticiper les crises pour y faire face (Boin). La résilience peut se voir sous forme de résultat ou de processus. Il existe la résilience individuelle (psychologie, tempérament, capacité d’adaptation) et la résilience organisationnelle (Boin). La collectivité locale est un acteur pivot de la résilience du territoire car elle coordonne techniquement et organisationnellement. Ainsi le développement des capacités dynamiques induit le changement et sont formalisées par l’apprentissage. L’intentionnalité managériale est au cœur du renforcement (Teece). La résilience encrée dans des projets de crises est propice à l’apprentissage. La résilience des collectivités est de faire face aux crises, au changement, d’anticiper, mais cela pose un souci avec la Nouvelle Gestion Publique qui est peu flexible, et donc implique une refonte du management public.