Résilience écologique
La résilience écologique est la capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante (facteur écologique).
On évoquera par exemple la résilience d'un écosystème forestier pour décrire sa capacité à se reconstituer suite à un incendie ; à partir de la banque de graines du sol, des propagules apportées par l'air, l'eau ou des animaux ou à partir de rejets, ou de la cicatrisation d'individus résistants au feu.
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Origine du concept
De nombreux indices laissaient penser que la diversité et la complémentarité des organismes présents dans un milieu étaient les gages d'un meilleur auto-entretien de l'écosystème (« système auto-catalytique »)
Des chercheurs aussi différents que James Lovelock, l'écologue canadien C.C. Holling ou David Tilman ont montré l'importance de la biodiversité pour la résilience, le premier au travers de son « hypothèse Gaïa », le second dans un article qui a en 1973 promu ce concept, et troisième second lors de ses travaux sur la biodiversité.
David Tilman, avec l’Université St-Paul (Minnesota, États-Unis) a étudié l’utilité de la biodiversité dans la prairie de cette région, à partir de 1982, en mesurant la productivité de la prairie sur 207 parcelles plantées d'espèces locales contrôlées. Certaines parcelles étaient « monospécifiques » (ne contenant qu'une seule espèce végétale), les autres en contenant des quantités croissantes, avec différentes associations. En 1988, une très grave sécheresse (la pire depuis au moins 50 ans) a affecté la région des prairies, tuant toutes les récoltes avec trois milliards de perte pour les agriculteurs. L'équipe de D. Tilman a alors constaté que certaines parcelles avaient spectaculairement résisté à la sécheresse. Il s'agissait toujours des parcelles les plus riches en biodiversité. La productivité de parcelles n'abritant qu'une ou deux espèces de plantes était six fois moindre que celles des parcelles composées de 15 à 25 espèces, ce qui confirmait l'importance des associations d'espèces adaptées à une zone biogéographique, les unes captant mieux l'azote de l'air, d'autres l'eau de profondeur, etc. La biodiversité est aussi une diversité fonctionnelle permettant aux communautés d'espèces, c'est-à-dire à l'écosystème d'exploiter au mieux toutes les ressources du lieu et du moment. Cette étude portait sur la diversité spécifique (des espèces), mais il semble que la diversité génétique joue un rôle aussi important, notamment dans les populations naturellement presque monospécifiques des milieux extrêmes (sub-polaires, sub-désertiques, salés, etc.)
Plus tard, en 1996 dans le même esprit, le projet européen BIODEPTH a associé huit pays qui ont étudié la biodiversité de 480 parcelles. En 1999 les observations de David Tilman étaient confirmées : Plus la diversité fonctionnelle des espèces était importante, plus l’écosystème était productif et résilient face aux perturbations.
Mesure
La résilience écologique est une forme de résistance : la capacité d'un système écologique (population, écosystème, biome, biosphère...) à retrouver (ou ne pas quitter) un état d'équilibre dynamique après une phase d'instabilité due à une perturbation (extérieure ou interne au système), où l'instabilité peut conduire un système à évoluer provisoirement ou définitivement vers un autre régime de comportement ou un autre équilibre pouvant nécessiter la perte de certains éléments et fonctions de l'écosystème.
Cette résistance peut être mesurée par le calcul de l'ampleur de la perturbation qui peut être absorbée avant que le système ne change de structure en changeant les variables et les processus qui en contrôlent le comportement. Ce type de résistance a été définie comme la résilience écologique.
Interventions humaines
Colonisation spontanée d'un champ après arrêt de la culture (en Pologne). Ici, des graminées, puis des arbres apparaissent spontanément, en commençant par des espèces et essences pionnières. Il peut toutefois falloir des siècles ou millénaires pour effacer totalement les traces de l'Agriculture intensive
L'Homme dispose de divers moyens (dont plantations) pour tenter d'accélérer les processus naturels de résilience ; on parle de techniques génie écologique ou de gestion restauratoire.
Quelques exemples :
L'école de sylviculture Prosilva cherche à copier les processus naturels de résilience plutôt qu'à s'y substituer.
Akira Miyawaki a été un pionnier de l'utilisation d'espèces locales et diversifiées pour la restauration de sols, de forêts de protection et de boisements à grande échelle sur des sites très dégradés, au Japon, puis dans divers pays tropicaux.
Diverses méthodes de restauration d'une strate herbacée, fleurie sur sol "retourné" (Inversion soil) ont été efficacement testée, dont pour restaurer des sous-bois riches en fleurs sauvages.
Phénomène spontané, quand les conditions sont réunies
Début de colonisation et dégradation de l'asphalte par une flore spontanée, sur la partie forestière d'une autoroute polonaise non terminée et peu utilisée (Olimpijka)]
Un exemple intéressant, visible sur Google Earth, est celui de la zone interdite de Tchernobyl où en dépit d'une radioactivité élevée, les loups et les ours sont spontanément revenus, alors que de nombreuses autres espèces, d'oiseaux notamment, recolonisent la zone depuis que l'agriculture et la chasse y ont disparu (sachant qu'il est trop tôt pour savoir si cette recolonisation perdurera et quels seront les impacts de la radioactivité sur ces écosystèmes et ceux qui sont touchés à distance via les migrations d'oiseaux notamment).
Lectures conseillées
Sophie Martin, La résilience dans les modèles de systèmes écologiques et sociaux. Thèse de doctorat.